La rivière Bonaventure… de 1883 à 1980

Des auteurs au Québec; il y en a des centaines, voire des milliers. Toutefois, le sujet sur lequel s’est attardée Chantal Morin en est un peu commun. Celui de la rivière Bonaventure. Elle a publié cet été, après des années de travail, son hommage à l’une des rivières les plus populaires - et populeuses! - quant on parle de pêche au saumon atlantique.

Chantal, de quoi parlez-vous dans votre livre La rivière Bonaventure 1883-1980? C’est un hommage à la rivière Bonaventure et à son histoire depuis l’établissement du premier club de pêche privé jusqu’à l’instauration de la Zec et à la prise en charge par l’Association des pêcheurs sportifs de la Bonaventure.

Quel était l’objectif derrière ce projet? De préserver la mémoire de nombreux évènements et intervenants qui ont façonné le destin de la rivière Bonaventure pour nous offrir cette légende inestimable.

Quelle était votre motivation? Je voulais présenter un témoignage d’amour et de grand respect à cette rivière, dont la valeur va au-delà de sa limpidité exceptionnelle. Depuis des centaines d’années, ce cours d’eau est encadré par un décor majestueux, il fascine et envoûte l’homme. Puissante et changeante, elle joue un rôle déterminant dans la vie des communautés et leur développement. Elle a réuni sur ses berges de nombreux individus souvent sans lien commun et de milieux différents pour leur permettre ensemble d’écrire une page d’histoire du Québec. Le récit de ces aventures extraordinaires méritait d’être conservé et raconté.

Comment avez-vous procédé pour la rédaction de votre ouvrage? Eh bien, la rivière Bonaventure a été un témoin privilégié de la conquête britannique, des conflits de territoires, des vagues d’immigration, des guerres, de l’industrie forestière, de la colonisation et de la pêche sportive. Elle conserve les marques de ces bouleversements sociopolitiques et des efforts déployés par les communautés riveraines pour survivre et s’adapter. À l’aide de photos et d’anecdotes parfois drôles, dramatiques et surprenantes, on découvre des gens attachants et courageux dont la mémoire est désormais préservée pour la postérité. Mes recherches m’ont permis de retrouver l’origine et la signification du nom de 130 fosses et, ainsi, de lever le voile sur les secrets bien gardés de la Bonaventure. Puisqu’il n’existe aucun document précisant l’origine du nom des fosses, il m’a fallu remonter le cours du temps jusqu’à l’arrivée des premiers clubs privés, soit avant 1900. De nos jours, en consultant les guides, les gardiens et les autres intervenants, on se rend compte que leurs souvenirs, quoique précieux, sont imprécis et basés sur des vestiges de légende transmise de père en fils. Heureusement, 20 témoignages réalisés en 1984 et en 1985 par Sylvio Gauthier, Michel Arsenault et Robert Arsenault ont servi de pistes de recherche et orienté mes démarches. Pressée par le temps qui passe et qui emporte d’anciens maîtres-guides, j’ai entrepris de rencontrer un maximum de personnes pour récolter une information en voie de disparition. En 7 ans, j’ai réalisé 52 entrevues, dont 31 sont filmées. Cette banque d’archives a exigé d’être démêlée et l’information classée pour soustraire des faits corroborés par d’autres documents. La consultation des registres de captures des clubs privés et de journaux a permis de préciser la date de découverte et l’exactitude du nom des fosses, souvent transformé par la transmission orale. Plusieurs noms sont d’ailleurs influencés par les populations locales constituées de Micmacs, de Canadiens français pour la plupart d’origine acadienne et d’immigrants anglophones, mais aussi des pêcheurs sportifs canadiens et américains. Il a donc fallu consulter une vaste documentation, cartographie et des archives nationales pour retracer les liens entre les noms, les individus, les évènements marquants et les sites. Les registres fonciers ont aussi servi à établir des titres de propriété et des transactions à l’origine de noms de fosses. Finalement, les carnets d’arpenteurs se sont avéré des outils inestimables. Ces annotations précises dressent un portrait de la rivière et de son environnement au 19e et au 20e siècle et étaient nécessaires à la compréhension des changements et des faits survenus. Cette histoire attachante et émouvante nous fait comprendre combien la rivière Bonaventure est précieuse. Habitat indispensable pour le saumon atlantique, la faune et la flore qui en dépendent, ce livre se veut un hommage à ce rôle de mère nourricière et protectrice. Si de tout temps l’humain a constamment tenté de soumettre la Bonaventure à ses caprices, j’espère que ce récit éveillera les consciences et encouragera les futures générations à choisir ses enjeux économiques en prenant en considération le rôle primordial de la rivière, qui consiste à assurer la survie du saumon atlantique et de multiples espèces pour le bénéfice de tous.

Vous avez donc finalement lancé votre livre dans les dernières semaines! Oui. Après 10 ans de travail exigeant, je suis finalement parvenue à présenter un livre de 756 pages lors d’un lancement tenu au Café Acadien de Bonaventure, le mercredi 21 août dernier. Mes efforts ont été récompensés par un accueil chaleureux. Grâce à la collaboration de l’Association des pêcheurs sportifs de la Bonaventure, mon livre est en vente au bureau d’accueil de la ZEC au 180 av. Beauséjour à Bonaventure (418 534-1818).

Sur la photo : L’auteure Chantal Morin lors du lancement de son livre, en compagnie de Marc Gauthier, directeur de la ZEC de la rivière Petite-Cascapédia.